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07.12.2015Jean-Pierre Delvigne, Jeanne Lesigne, Jérome Michel

Droit public – Brève juridique – Novembre 2015

Droit public – Brève juridique – Novembre 2015

La nouvelle ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics : Premier élan vers une simplification de la commande publique

La nouvelle ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics (ci-après « l’Ordonnance ») constitue la seconde phase de transposition des directives n°2014/24/UE et n°2014/25/UE venues réformer les règles de la commande publique*.

La principale visée de l’Ordonnance consiste à rationaliser et simplifier les règles en la matière en abrogeant le code des marchés publics et les ordonnances (i) du 6 juin 2005  relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics et (ii) du 17 juin 2004  relatives aux partenariats, pour leur substituer un corpus unique de 104 articles.

Son entrée en vigueur doit intervenir « à une date fixée par voie réglementaire et au plus tard le 1er avril 2016 » .

Quelles sont les innovations majeures ?

1. Élargissement du champ des contrats administratifs

Les marchés publics relevant de l’Ordonnance seront des contrats administratifs (voir) . Ainsi, le législateur étend le champ d’application des contrats administratifs aux contrats conclus sous l’empire de l’ordonnance du 6 juin 2005 afférente aux pouvoirs adjudicateurs et aux entités adjudicatrices** qui étaient jusqu’ici et sous réserve de certaines exceptions, des contrats de droit privé.

2. Promotion de l’allotissement

Tout en maintenant le principe de l’allotissement pour des prestations distinctes, l’Ordonnance ouvre la possibilité pour les acheteurs publics d’autoriser les candidats à présenter des offres variables en fonction du nombre de lots qu’ils sont susceptibles d’obtenir. Par là-même, l’Ordonnance généralise une solution qui ne s’appliquait autrefois qu’aux entités adjudicatrices (voir)  soumises à l’ordonnance du 6 juin 2005.

3. Les marchés internes au secteur public échappent au champ de l’Ordonnance

Les prestations intégrées dites « in house » demeurent exclues du champ d’application des règles de la commande publique (voir) .
En revanche, les conditions fixées par l’Ordonnance afin de bénéficier de cette exemption sont modifiées. Une entreprise se trouvera désormais en situation « in house »  :

  • si l’acheteur public exerce sur elle un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services. Selon l’Ordonnance, cette condition implique que l’acheteur public exerce une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de l’entreprise contrôlée ;
  • si elle réalise plus de 80 % de son activité dans le cadre des tâches qui lui sont confiées par les acheteurs publics qui la contrôlent ;
  • si elle ne comporte pas de participation directe de capitaux privés, à l’exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requise par la loi qui ne permettent pas d’exercer une influence décisive sur sa gestion***.

Échapperont également aux règles de la commande publique les marchés publics par lesquels les acheteurs publics coopèreront dans le but de garantir que les services publics dont ils ont la responsabilité sont réalisés en vue d’atteindre des objectifs communs. Cette exemption suppose toutefois que la mise en œuvre de la coopération réponde uniquement à des considérations d’intérêt public et que les acheteurs publics concernés réalisent sur le marché concurrentiel moins de 20% des activités en jeu. Ces critères et conditions, encore assez vagues, seront sans doute précisés par le décret ou la jurisprudence.

4. La transparence

L’acheteur public sera désormais obligé, dans des conditions qui devront être définies par décret, de rendre public le choix de l’offre retenue et de rendre accessible, sous un format ouvert et librement réutilisable, les données essentielles du marché public sous réserve de respecter les informations confidentielles (voir) .

5. La sous-traitance

Sous l’empire de l’Ordonnance, les acheteurs publics pourront exiger que « certaines tâches essentielles soient effectuées directement » (voir) par le titulaire du marché public et non pas par son sous-traitant.
Sans définir la notion de « tâche essentielle », l’Ordonnance précise que les contrats concernés seront les marchés de travaux ou des services ainsi que les marchés de fournitures « comportant des services ou des travaux de pose ou d’installation » (voir).

L’Ordonnance apporte indéniablement un nouveau souffle à la commande publique et remédie en partie à l’imbroglio juridique qui prévalait jusqu’à présent. Il conviendra néanmoins d’attendre la publication du décret d’application, dont la consultation publique est en cours**** , afin d’avoir une vision définitive de la portée de cette réforme.

Pour l’heure, le projet de décret mis en ligne par ministère de l’économie et des finances fait apparaitre certaines nouveautés :

  • le « sourçage », qui permettrait à l’acheteur public d’informer les candidats potentiels d’un projet de marché et de préparer avec eux le déroulement de la procédure de passation afin de les aider à présenter la meilleure offre possible*****.
  • le maintien de certaines distinctions entre pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices ; par exemple le recours à une procédure concurrentielle avec négociation pour les premiers et à une procédure négociée avec mise en concurrence préalable pour les seconds.
  • la possibilité de régulariser des offres irrégulières ou inappropriées (sauf en cas d’offre anormalement basse).

Ajoutons enfin, par ailleurs, qu’à compter du 1er janvier 2016 les seuils applicables aux différentes catégories de marchés publics vont être légèrement rehaussés.

* La première phase de transposition résulte du décret n°2014-1097 du 26 septembre 2014

** EDF, la SNCF ou La Poste répondent entre autres à la qualification d’entité adjudicatrice, c’est-à-dire les opérateurs de réseaux.

*** Cette exception est une nouveauté, au regard de la jurisprudence constante de la CJUE qui refuse toute qualification de in house en cas de présence de capitaux privés au sein de la personne contrôlée.

**** Jusqu’au 4 décembre 2015

***** Cette méthode est décrite par la directive 2014/24/UE à l’article 40, « Consultations préalables du marché »