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04.10.2018Jean-Pierre Delvigne, Julie Catala Marty, Magali Masson

Newsletter Energie – Octobre 2018

Point réglementaire

Loi ESSOC du 10 août 2018

La loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance (dite « Loi ESSOC ») apporte un certain nombre de nouveautés relatives à la simplification des règles applicables aux éoliennes en mer et de celles relatives à l’élaboration et à la révision des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables afin d’accélérer leur mise en œuvre.

Cette loi consacre également la suppression (à l’exception des lignes aériennes dont la tension est supérieure à 50 kV) du régime d’approbation préfectorale pour la construction d’ouvrages acheminant l’électricité prévu par l’article L323-11 du code de l’énergie (dont la mise en œuvre présentait des difficultés et peu d’avantages) et, dans son souci de simplification des relations entre les usagers et les administrations, reconnaît le droit pour un consommateur de faire exécuter les travaux de raccordement de son installation électrique au réseau sans l’accord du gestionnaire du réseau d’électricité.

Les travaux devront être exécutés aux frais du consommateur et sous sa responsabilité, par des entreprises agrées par le gestionnaire de réseau d’électricité selon les dispositions d’un cahier des charges établi par ce dernier. La mise en œuvre de ce nouveau régime dépend désormais de l’adoption d’un décret après avis de la Commission de régulation de l’énergie.

Instruction du 11 juillet 2018 relative à l’appréciation des projets de renouvellement des parcs éoliens terrestres

Annoncée depuis plusieurs mois, le ministère de la Transition écologique et solidaire a publié au bulletin officiel une circulaire (établie sous forme d’instruction) destinée à clarifier les règles relatives aux modifications apportées par les exploitants à leurs parcs éoliens.

Pour rappel, l’article R. 181-46 du code de l’environnement distingue entre les modifications substantielles qui doivent faire l’objet d’une nouvelle autorisation environnementale et les modifications notables qui doivent être simplement portées à connaissance du préfet.

Afin de faciliter et d’harmoniser l’application du droit en la matière, l’instruction du 11 juillet 2018 apporte un éclairage de ce qu’il faut entendre par « modification substantielle » en envisageant plusieurs hypothèses à titre d’exemple

1- la modification ou le remplacement à l’identique d’une pièce d’une éolienne : il ne s’agit ni d’une modification notable, ni d’une modification substantielle. Aucune démarche auprès des autorités compétentes n’est donc nécessaire ;

2- le renouvellement à l’identique des éoliennes par des éoliennes de même dimension et au même emplacement : il s’agit d’une modification notable qui doit faire l’objet d’un porter-à-connaissance du préfet ;

3- l’extension : doivent être considérées comme des extensions devant faire l’objet d’une nouvelle autorisation environnementale (i) l’augmentation du nombre d’éoliennes de hauteur de mât supérieure ou égale à 50 mètres, ou (ii) l’augmentation de la puissance au-delà de 20 MW pour un parc dont la hauteur des éoliennes est comprise entre 12 et 50 mètres.

4- le remplacement : l’instruction vise ici plusieurs situations dont celle du remplacement, au même emplacement, d’une éolienne aux pâles plus longues. Ainsi, un tel remplacement ne constituera pas une modification substantielle si (i) les perturbations sur les radars et les aides à la navigation ne sont pas augmentées ; (ii) le niveau de bruit n’est pas supérieur à celui du parc en fonctionnement ; (iii) le parc n’est pas situé en zone Natura 200 et qu’il fait l’objet d’un suivi environnemental ; ou (iv) les nouveaux rapports des éoliennes (hauteur du mât sur diamètre du rotor) sont similaires aux anciens.

Le remplacement, au même emplacement, d’une éolienne plus haute relèvera, quant à lui, d’une simple modification notable si l’augmentation de la hauteur se limite à 10% et de la modification substantielle si l’augmentation de la hauteur est supérieure à 50%. Entre ces deux seuils, il appartiendra au préfet de se livrer à une appréciation au cas par cas.

A cet égard, l’instruction invite les préfets, saisis d’un porter à connaissance, à répondre rapidement aux exploitants tout en soulignant que la réponse sur le caractère substantiel de la modification devra intervenir dans un délai maximal de deux mois à partir de la réception de l’ensemble des éléments.

Urbanisme

Décret n°2018-617 du 17 juillet 2018

Le décret n°2018-617 portant modification du code de justice administrative et du code de l’urbanisme était attendu. Ce texte, inspiré par les conclusions du rapport Maugüé relatif à l’optimisation du contentieux des autorisations d’urbanisme, consacre une série de modifications tendant à la sécurisation de ces autorisations. Plusieurs axes sont mis en œuvre à cette fin.

Concernant la délivrance des autorisations d’urbanisme, le décret n°2018-617 modifie les mentions devant obligatoirement figurer dans les autorisations de construire en imposant que soit précisée la date d’affichage en mairie de l’avis de dépôt de demande de permis de construire ou de déclaration préalable (art. 6 du décret modifiant l’art. R. 423-6 du code de l’urbanisme). Il s’agit là de faciliter l’identification de cette date d’affichage dans la mesure où sa détermination exacte, souvent sujette à débats, constitue la date à laquelle l’intérêt à agir des requérants doit être appréciée par le juge (art. L. 600-1-1 et L. 600-1-3 du code de l’urbanisme).

Cette nouvelle formalité s’applique à toutes les demandes de permis de construire, à toutes les déclarations préalables adoptées à compter du 1er octobre 2018 ainsi qu’à toutes les demandes en cours d’instruction à cette date (cf. CE, 7 avril 1976, Ministre de l’équipement, n°99013).

Mais l’apport substantiel du décret n°2018-617 réside dans les modifications apportées au traitement du contentieux des autorisations d’urbanisme

1- obligation faite au requérant, sous peine d’irrecevabilité, d’établir le caractère régulier de l’occupation de son bien via la production d’un des éléments listés par l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme (titre de propriété, promesse de vente, promesse de bail, contrat préliminaire, bail…). Les associations doivent dorénavant, pour leur part, produire leurs statuts au moment du dépôt de leurs requêtes (art. R.600-7 du code de justice administrative) ;

2- obligation faite au requérant, pour les contentieux urbanistiques faisant également l’objet d’un référé suspension, de confirmer le maintien de son recours au fond dans le mois suivant la notification de l’ordonnance de référé rejetant sa demande de suspension en raison d’une absence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse (et non pas pour défaut d’urgence). A défaut, le requérant sera réputé s’être désisté de son recours au fond (art. R612-5-2 du code de justice administrative)

3- extension de l’obligation de notification des recours prévue à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme à l’ensemble des décisions relatives à l’occupation ou à l’utilisation du sol et non plus aux seules décisions de non-opposition à déclaration préalable, de permis de construire, d’aménager ou de démolir (art. R 600-1 du code de l’urbanisme).

4- obligation faite aux parties d’une procédure contentieuse, de soulever l’ensemble de leurs arguments dans un délai de deux mois à compter de la communication du premier mémoire en défense. Passé ce délai, les nouveaux moyens soulevés ne seront pas examinés. Par exception, le président de la formation de jugement pourra cependant déroger à ce principe en fixant une nouvelle date de cristallisation des moyens (art. R.600-5 du code de justice administrative) ;

5- prolongation de l’expérimentation relative à la suppression de la voie de l’appel pour les contentieux urbanistiques dans les zones tendues jusqu’au 31 décembre 2022 (art. R. 811-1-1 du code de justice administrative).

A noter également que le décret n°2018-617 contient des mesures dédiées spécifiquement à la sécurisation des constructions achevées. Le délai de recours en annulation lorsque la construction litigieuse est achevée est ainsi ramené de un an à six mois pour les décisions obtenues après le 1er octobre 2018 (art. 7 du décret). Par ailleurs, le décret consacre l’obligation, pour les juridictions compétentes, de délivrer des attestations de non-recours lorsque ces attestations sont sollicitées après le 1er octobre 2018.

Intérêt à agir (CE, 16 mai 2018, n°408950)

Depuis 2005, les juges administratifs contrôlent de manière très stricte l’intérêt à agir des requérants en procédant à un examen attentif de la causalité entre les caractéristiques des constructions litigieuses et les incidences réelles sur leurs biens (CE, ord., 15 avril 2005, n°273389) ; les requérants devant préciser l’atteinte qu’ils invoquent, « en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de [leur] bien » (CE, 10 juin 2015, n°386121).

La décision rendue par le conseil d’Etat le 16 mai 2018 dans une affaire portant sur la construction d’un parc éolien constitue une application désormais classique de ce contrôle. Ainsi, malgré l’existence d’une situation de visibilité, la haute juridiction a estimé que la circonstance (i) que le parc soit situé à 2,5 kilomètres des éoliennes, (ii) que la hauteur totale des éoliennes soit de 116 mètres (iii) et que le parc soit visible depuis la façade ouest du château à partir du deuxième étage ne suffit pas à établir un intérêt à agir des requérants.

Sursis à exécution d’un jugement enjoignant la délivrance d’un permis de construire (CAA Nantes, 23 juillet 2018, n°18NT01807)

Cet arrêt illustre une des limites de l’obligation faite au juge administratif de délivrer l’autorisation de construire sollicitée lorsque le refus de l’autorité compétente de faire droit à la demande du pétitionnaire a été censuré dans l’ensemble de ses motifs. Comme on le sait, cette obligation résulte d’un avis du conseil d’Etat en date du 25 mai 2018 (avis n°417350 – Association des musulmans de Mantes sud).

En l’espèce, la cour administrative d’appel de Nantes a suspendu l’injonction faite au préfet de délivrer le permis de construire un parc éolien au motif qu’il existait un doute sérieux quant à la légalité de cette décision à raison de la covisivibilité d’une partie des éoliennes avec la cathédrale de Chartres

Cette affaire montre ainsi que l’exécution de la décision d’injonction peut être suspendue si un doute sérieux existe quant à sa légalité ; étant précisé que l’autorisation délivrée sur injonction peut elle-même faire l’objet d’un recours en annulation (la décision ayant annulé le refus de délivrer le permis ne présumant pas de sa légalité).

Insuffisance de l’enquête publique et office du juge (CE, avis, 22 mars 2018, n°415852 et CAA Douai, 12 juillet 2018, n°15DA01535)

L’affaire de « la ferme des 1000 vaches » a donné lieu à un abondant contentieux.

A l’occasion d’un recours introduit à l’encontre de l’autorisation environnementale couvrant l’exploitation d’un élevage bovin de 500 vaches laitières, d’un méthaniseur et d’une unité de cogénération dans la Somme, la cour administrative d’appel de Douai a sollicité pour avis le conseil d’Etat afin qu’il détermine les conséquences du caractère incomplet du dossier d’enquête publique ainsi que l’office du juge de l’autorisation environnementale.

Dans un avis du 22 mars 2018 – dont la pédagogie peut être louée – le conseil d’Etat a ainsi rappelé que lorsque le vice constaté peut être régularisé par une décision modificative, le juge peut recourir au jugement avant dire droit en fixant un délai pour la régularisation. Il est alors sursis à statuer jusqu’à l’expiration de ce délai (art. L. 181-18-I 2° du code de l’environnement).

En l’espèce, le vice tenait au caractère incomplet du dossier qui avait été présenté à l’enquête publique concernant la capacité technique et financière du pétitionnaire à exploiter les installations. Or, alors même que le pétitionnaire avait justifié des éléments manquants en cours de procédure, le conseil d’Etat a estimé qu’il était malgré tout dans l’obligation de régulariser le vice de procédure affectant la légalité de l’autorisation attaquée.

Tirant les conclusions de cet avis, la cour administrative d’appel de Douai a, dans sa décision du 12 juillet 2018, sursis à statuer et ordonné la réalisation d’une nouvelle consultation partielle d’une durée d’un mois portant uniquement sur les capacités techniques et financières du pétitionnaire en précisant les modalités de mise en œuvre de cette procédure d’information du public partielle.

L’avis du 22 mars 2018 et l’arrêt de la cour du 12 juillet 2018 mettent ainsi en évidence la plénitude du contrôle auquel le juge administratif devra s’adonner dans le cadre du contentieux des autorisations environnementales ainsi que l’étendue des moyens à sa disposition pour purger les vices susceptibles d’affecter ces autorisations.

Contrôle des capacités techniques et financières de l’exploitant (CE, avis, 22 mars 2018, n°415852 et CAA Lyon, 10 juillet 2018, n°16LY02858)

Dans son avis n°416831 du 26 juillet 2018, le conseil d’Etat a interprété les dispositions du code de l’environnement issues de l’ordonnance du 26 janvier 2017 concernant les capacités techniques et financières de l’exploitant d’une ICPE.

Selon ces nouvelles règles, le dossier de demande d’autorisation déposé depuis le 1er mars 2017 ne doit plus comporter des indications précises et étayées sur les capacités techniques et financières du pétitionnaire mais seulement une présentation des modalités prévues pour établir ces capacités si elles ne sont pas constituées ; l’exploitant devant ensuite adresser au préfet les éléments justifiant la constitution effective desdites capacités au plus tard à la mise en service de l’installation.

Aussi le conseil d’Etat a-t-il rappelé qu’il appartient désormais au juge, saisi d’un recours portant sur la légalité d’une autorisation d’exploiter une installation classée avant sa mise en service de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l’ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle, de l’exploitation et de la remise en état du site ainsi que les garanties à constituer en application des articles L516-1 et L516-2 du code de l’environnement. S’il se prononce après la mise en service, il lui appartient de vérifier la réalité et le caractère suffisant desdites capacités ou, le cas échéant, de l’exploitant auquel l’autorisation a été transférée.

A cet égard, on relèvera que les juges procèdent traditionnellement à une analyse très stricte des capacités techniques et financières de l’exploitant. Ainsi, s’agissant d’une autorisation d’exploiter un parc éolien délivrée avant la réforme opérée par l’ordonnance du 26 janvier 2017 – pour lequel le développeur prévoyait un financement bancaire à hauteur de  80% et un apport en fonds propres de 20% – la cour d’appel de Lyon a annulé l’autorisation en estimant qu’une simple lettre d’intention de la maison mère de mettre à la disposition de la sa filiale ses capacités financières au cas où les prêts bancaires seraient refusés en tout ou partie ne peut être regardée comme la garantie exigée par la loi (CAA Lyon, 10 juillet 2018, n°16LY02858. Voir dans le même sens s’agissant d’un projet de méthanisation – CAA Bordeaux, 6 mars 2018, n°16B02079).

Or, si la réforme opérée par l’ordonnance du 26 janvier 2017 fait désormais échec à cette tendance jurisprudentielle qui obligeait le pétitionnaire à établir de manière certaine dès le dépôt de sa demande ses capacités techniques et financières (ce qui dans la plupart des projets imposait une obligation difficile à satisfaire compte tenu de la difficulté de sécuriser le financement des projets à ce stade), elle n’affecte en rien la nature du contrôle que les juges seront amenés à exercer sur l’appréciation des garanties qu’il faudra justifier lors de la mise en service ainsi qu’au cours de l’exploitation du projet.

En effet, le conseil d’Etat rappelle dans son avis (i) que postérieurement à la délivrance de l’autorisation, le préfet peut désormais à tout moment prescrire, par arrêté complémentaire, la fourniture de précisions ou la mise à jour des informations relatives aux capacités techniques et financières de l’exploitant (ii) et qu’en application de l’article R.181-52 du code de l’environnement (créé par le décret du 26 janvier 2017) des tiers peuvent agir auprès du préfet s’ils estiment que l’exploitant ne justifie pas disposer de ces capacités et contester devant le juge l’éventuel refus du préfet de prendre les mesures qu’ils estiment nécessaires.

Foncier (CA Pau, 4 septembre 2018, n° 16-02.744)

La condition suspensive liée à la réalisation d’une étude de faisabilité conduite sous l’entière maitrise et à la seule discrétion du bénéficiaire de la promesse qui est seul à en connaitre les résultats, constitue une condition purement potestative de nature à entrainer la nullité de la promesse.

Aides d’Etat

Autorisation par la Commission européenne d’une aide en faveur d’une installation pilote de production d’énergie hydrolienne

Le secteur de l’énergie, et plus particulièrement celui des énergies renouvelables, fait sans aucun doute partie des priorités de la Commission européenne (la « Commission »), et notamment de la Direction Générale de la Concurrence, l’objectif affiché par la Commission étant de promouvoir la consommation d’énergie provenant de sources propres. En France, 23% de la consommation d’énergie française devra ainsi provenir de sources renouvelables d’ici 2020.

Afin de faciliter l’atteinte de cet objectif, la Commission a introduit en 2014 de nouvelles lignes directrices sur les aides d’Etat comportant des  dispositions spécifiques relatives à la protection de l’environnement et à l’énergie, qui permettent à la Commission de  revoir les mécanismes accordés par les Etats membres pour aider les entreprises à promouvoir leurs projets environnementaux tout en s’assurant que ceux-ci n’entraînent pas de distorsions de concurrence.

Dans ce contexte et alors que la première éolienne offshore française commence tout juste à alimenter le réseau électrique (voir l’article du Monde en date du 19 septembre 2018), la Commission a autorisé le 26 juillet 2018 une aide de la France en faveur d’une installation pilote de production d’énergie hydrolienne (à l’aide de turbines installées sur les fonds marins) à Raz Blanchard (à l’ouest de la péninsule du Cotentin).

Afin de soutenir cette nouvelle production d’énergie propre, développée par la société OpenHydro et exploitée par EDF EN, et d’en vérifier le potentiel avant un déploiement à plus grande échelle, la France a souhaité apporter son soutien à la centrale par l’intermédiaire d’une aide au fonctionnement et d’une aide à l’investissement (partiellement versée sous la forme d’avances remboursables en cas de succès du projet).

Par décision du 26 juillet 2018, la Commission a avalisé ces aides, qui avaient préalablement été notifiées par les parties, et les a jugées compatibles avec le marché commun au motif (i) que celles-ci encouragent la pénétration d’une nouvelle technologie d’énergie renouvelable sur le marché, (ii) que le niveau de ces aides est proportionné et n’est pas susceptible d’entrainer de surcompensation, et (iii) que ce projet s’inscrit dans le droit fil des objectifs communautaires en termes de production d’énergies renouvelables.

La Commission ordonne au Luxembourg de récupérer 120 millions d’euros d’avantages fiscaux illégalement accordés à Engie

Après s’être intéressée aux avantages fiscaux accordés à certains GAFA, et alors que d’autres procédures du même type sont toujours pendantes, la Commission a ordonné le 20 juin 2018 au Luxembourg de récupérer quelques 120 millions d’euros d’avantages fiscaux qu’elle juge avoir été illégalement accordés au groupe Engie.

Dans cette affaire, Engie avait mis en œuvre en 2008 et 2010 deux structures de financement triangulaire complexes permettant d’apporter des financements à deux de ses filiales (Engie LNG Supply et Engie Treasury Management). Ces financements étaient apportés par d’autres filiales du groupe (Engie LNG Holding et Compagnie Européenne du Financement).

Un schéma de financement intragroupe a priori classique, sauf qu’en l’espèce une société relais intervenait permettant à une même opération d’être traitée de manière différente : d’une part, comme une dette (du point de vue d’ENGIE LNG Supply et Engie Treasury Management) sans pour autant que des intérêts soient effectivement versés ; d’autre part, comme une prise de participation (du point de vue de Engie LNG Holding et Compagnie Européenne du Financement). Selon la Commission, ce schéma permettait ainsi à Engie de bénéficier de l’exonération d’imposition des revenus d’imposition applicable au Luxembourg et donc de soustraire, in fine, 99 % de ses bénéfices de l’impôt sur les sociétés pendant environ 10 ans.

Le Luxembourg avait avalisé, dans deux décisions fiscales anticipatives distinctes (les « tax rulings »), ces deux structures de financement dès 2008 et 2010. À l’inverse, la Commission a considéré que ces schémas de financement conduisaient à traiter « une même opération de manière incohérente » (déclaration de Margrethe Vestager), et a en conséquence jugé que les « tax rulings » du Luxembourg ont conféré au groupe Engie un avantage concurrentiel « considérable » et non justifié en lui permettant de payer moins d’impôts que d’autres sociétés soumises aux mêmes règles fiscales nationales. La Commissaire européenne à la concurrence a à cet égard déclaré : « la charge fiscale de l’entreprise s’en est trouvée artificiellement réduite. En conséquence, Engie a payé un taux d’imposition effectif sur les sociétés de 0,3 % sur certains bénéfices au Luxembourg pendant une dizaine d’années. Ce traitement fiscal sélectif est illégal ».

En conséquence, la Commission a imposé au Luxembourg de récupérer cette aide d’État illégale afin de rétablir une égalité de traitement avec les autres entreprises. Il est à rappeler qu’en matière d’aides d’Etat, la Commission ne prononce pas d’amende à l’encontre du bénéficiaire de l’aide illégale.

L’Etat luxembourgeois et le groupe Engie ont tous deux indiqué avoir interjeté appel (non suspensif) de la décision de la Commission dès lors qu’ils considéraient que le mécanisme était légal au regard des règles applicables à l’époque et était en outre applicable à d’autres entreprises de sorte qu’Engie n’aurait bénéficié d’aucun traitement avantageux par rapport à d’autres entreprises.