Droit public des affaires & Activités régulées (1)

Newsletter Droit public – Août 2025

Le juge judiciaire est compétent pour se prononcer sur un contrat entre deux personnes privées sur le domaine public

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 19 juin 2025, pourvoi n°23-50.026

La société d’économie mixte et de gestion du marché d’intérêt national de la région parisienne (la Semmaris) a conclu avec la société Transports J.H. Mesguen un contrat de concession autorisant l’occupation partielle du domaine public sur lequel elle exerce sa mission.

La société Transports J.H. Mesguen a mis à la disposition de la société Caposud une partie des bureaux objets du contrat de concession.

Un litige entre les deux sociétés est né concernant le paiement d’une certaine somme à la société Transports J.H. Mesguen au titre du contrat de mise à disposition.

La Cour de cassation rappelle que conformément à sa jurisprudence le litige né du contrat de droit de privé passé entre une personne privée occupante du domaine public, qui n’agit pas pour le compte d’une personne publique, et une autre personne privée, relève de la compétence des juridictions judiciaires, même si cette convention a pour objet l’occupation du domaine public.

En l’espèce, la société Transports J.H. Mesguen n’était ni délégataire d’un service public, ni n’agissait pour le compte de la Semmaris.

 

L’action en concurrence déloyale entre deux personnes privées relève du juge judiciaire même en présence d’un contrat public

Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, 25 juin 2025, pourvoi n°24-18.905

Le litige dont été saisie la Cour de cassation concernant la recevabilité d’une action en concurrence déloyale engagée à l’occasion de la passation d’un contrat public.

La Cour de cassation juge que le juge judiciaire, saisi d’une action en concurrence déloyale exercée contre une personne de droit privé, est compétent pour ordonner à celle-ci la cessation pour l’avenir de ses agissements illicites, quand bien même seraient-ils commis à l’occasion de la passation ou de l’exécution de contrats publics.

 

Un bien de retour d’une concession peut appartenir à un tiers sous conditions

Conseil d’Etat, 7ème – 2ème chambres réunies, 17 juillet 2025, req. n°503317

Le Conseil d’Etat rappelle que les biens de retour reviennent à la personne publique gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles.

S’il maintient le principe selon lequel le bien de retour ne peut être un bien appartenant à un tiers au contrat de concession, quand bien même il serait affecté au fonctionnement du service public et nécessaire à celui-ci, il prévoit une exception si :

  • il existe des liens étroits entre les actionnaires ou les dirigeants du propriétaire du bien et du concessionnaire, lesquels permettent de regarder l’un comme exerçant une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de l’autre ou de regarder l’un et l’autre comme étant placé sous le contrôle d’une même entreprise tierce,

et

  • le bien, exclusivement destiné à l’exécution du contrat de concession, a été mis par son propriétaire à la disposition du concessionnaire pour cette exécution.

Ces deux conditions sont cumulatives. Cette situation a pour effet de pouvoir considérer que le propriétaire du bien (tiers au contrat de concession) a accepté que l’affectation du bien au fonctionnement du service public emporte son transfert dans le patrimoine de la personne publique.

 

Appréciation de l’offre irrégulière en droit de la commande publique 

Conseil d’Etat, 7ème chambre, 3 juillet 2025, req. n°501774

Le Conseil d’Etat a été saisi d’un litige relatif à la procédure de passation d’un accord-cadre à bons de commande mono-attributaire portant sur l’entretien préventif du réseau routier national de Mayotte pour la période 2024-2028 organisée par la direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer de Mayotte.

L’attributaire du marché est la société Mayotte Route Environnement. La société Colas Mayotte dont l’offre a été classée seconde a saisi le juge du référé précontractuel pour contester la procédure de passation au motif que l’offre de l’attributaire était incomplète en ce que la note technique n’indiquait pas les méthodes d’intervention sur le chantier.

Le tribunal administratif a fait droit à sa demande en annulant la procédure de passation. L’attributaire se pourvoit en cassation devant le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat a censuré l’analyse du tribunal administratif. Il a rappelé la notion et les conséquences de l’offre incomplète :

« Un pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement de la consultation. Il est tenu d’éliminer, sans en apprécier la valeur, les offres incomplètes, c’est-à-dire celles qui ne comportent pas toutes les pièces ou renseignement requis par les documents de la consultation et sont, pour ce motif, irrégulières. ».

Le Conseil d’Etat constate que l’obligation de mentionner les méthodes d’intervention prévues sur le chantier ne figurait que dans la partie « 4.2 Jugement et classement des offres » du règlement de consultation précisant les éléments sur lesquels le pouvoir adjudicateur entendait fonder son appréciation de la valeur technique de l’offre.

En revanche, cet élément n’était pas mentionné dans la partie « 3-1.2.3 – Présentation des offres » qui énumérait les pièces requises. L’absence de description des méthodes d’intervention ne rendait dès lors pas l’offre irrégulière.

Il s’ensuit qu’un pouvoir adjudicateur ne peut déclarer irrégulière une offre qui ne comporte pas certains éléments d’information lorsque ces derniers ne sont exigés que pour l’appréciation de la valeur de l’offre et non comme condition de sa recevabilité.

 

L’autorité concédante peut limiter le nombre de lots auxquels un opérateur à droit de soumissionner

Conseil d’État, 15 juillet 2025, n° 490592, « Société Le Chalet des Jumeaux »

Le Conseil d’État retient que l’autorité concédante peut, sous le contrôle du juge et sans qu’un texte ne le prévoie, limiter le nombre de lots pour lesquels un même opérateur économique peut présenter une offre, dans le cadre d’une concession ou sous-concession. Cette limitation doit être indiquée dans les documents de la consultation, être justifiée par l’objet de la concession, les nécessités propres au service public délégué ou la procédure de passation, et ne doit pas être disproportionnée.