ENERGIE
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L’Union européenne adopte en urgence un nouveau règlement afin de lutter contre la hausse des prix de l’énergie.
En réaction à la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine causant une flambée des prix de l’énergie et des difficultés d’approvisionnement, le conseil de l’Union européenne s’est réuni début octobre afin d’adopter des mesures d’urgence. Le conseil a, dans ce cadre, adopté le 6 octobre 2022 le règlement (UE) 2022/1854 qui introduit une procédure d’intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie.
Ce règlement instaure quatre types de mesures exceptionnelles, ciblées et limitées dans le temps :
- La réduction de la demande : le règlement invite les Etats membres à instaurer des mesures nationales en vue de remplir l’objectif de réduction volontaire de 10 % de la consommation brute d’électricité et, pour la période comprise entre le 1er décembre 2022 et le 31 mars 2023, d’atteindre l’objectif contraignant de 5% de réduction durant les heures de pointe.
- Le plafonnement des recettes des producteurs et leur redistribution aux clients finals d’électricité : à compter du 1er décembre 2023 et ce jusqu’au 30 juin 2023, les recettes des producteurs d’électricité et des intermédiaires participant aux marchés de gros de l’électricité sont plafonnées à un maximum de 180 euros par MWh d’électricité produite, à charge pour les Etats membres de répartir l’excédent au travers de mesures ciblées de financement en faveur des clients finals d’électricité. La mise en œuvre de ce plafond ainsi que ses dérogations feront l’objet de prochaines orientations par la commission européenne.
- La fixation des prix de fourniture d’électricité aux clients résidentiels et aux PME : jusqu’au 31 décembre 2022, il est possible pour les autorités nationales d’intervenir au soutien des PME en fixant les prix de fourniture d’électricité à une valeur inférieure à leur coût réel, sous réserve de l’indemnisation de la fourniture à perte des fournisseurs d’électricité.
- Une contribution de solidarité temporaire obligatoire pour le secteur des combustibles fossiles : les bénéfices excédentaires perçus par les opérateurs exerçant dans les secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage font l’objet d’une contribution de solidarité temporaire obligatoire calculée sur la base des bénéfices imposables au cours de l’exercice fiscal commençant en 2022 et/ou en 2023, qui dépassent de plus de 20 % la moyenne des bénéfices annuels imposables depuis 2018. Cette contribution est prélevée en plus des impôts et prélèvements réguliers applicables afin d’être remployée comme soutien financier aux ménages et aux entreprises.
Entrée en vigueur au lendemain de sa publication, le 7 octobre dernier, l’application de cette procédure d’intervention d’urgence est temporaire jusqu’au 31 décembre 2023, sous réserve de délais spécifiques précédemment énoncés, mais est toutefois susceptible d’être prorogée, après réexamen au plus tard le 30 avril 2023 par la commission européenne, si la situation économique le justifie ou si le fonctionnement du marché de l’électricité au sein de l’union reste dégradé.
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Examen par le Parlement d’un « projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ».
Présenté le 26 septembre 2022 en conseil des ministres, après avoir été modifié à la suite de l’avis du conseil d’Etat [1], ce projet de loi vise à accélérer le développement des énergies renouvelables dans les années à venir, notamment en levant les freins existants. Plusieurs axes du projet de loi sont à noter :
- la simplification et l’accélération des procédures environnementales, notamment au stade de l’obtention de l’autorisation environnementale ;
- la libération du foncier nécessaire au déploiement des énergies renouvelables, en particulier dans les zones ne présentant pas d’enjeux environnementaux majeurs tels que des parkings, des terrains dégradés ou les abords des autoroutes ;
- l’accélération du déploiement de l’éolien en mer au travers de la rationalisation de son cadre législatif ;
- l’amélioration du financement et de l’attractivité des projets d’énergies renouvelables à travers le développement des contrats de long terme de vente directe d’électricité entre producteurs et consommateurs finals, ainsi que des mesures fiscales de soutien à l’activité de fourniture d’électricité via des contrats de vente de long terme.
Le texte est désormais examiné en procédure accélérée au Parlement et sera discuté en première lecture en séance publique au Sénat les 3 et 4 novembre 2022. Il pourrait être adopté d’ici la fin de l’année. A suivre donc dans les prochaines semaines.
ENVIRONNEMENT
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L’Etat de nouveau condamné à payer deux astreintes pour un montant total de 20 millions d’euros en matière de lutte contre la pollution de l’air.
Conseil d’État du 17 octobre 2022, n°428409
La saga jurisprudentielle initiée par une requête de l’association Les amis de la Terre se poursuit par une nouvelle condamnation financière de l’Etat. Un bref rappel des précédentes décisions du conseil d’Etat s’impose.
Dans une première décision rendue le 12 juillet 2017 [2], le conseil d’Etat enjoignait à l’Etat d’élaborer des plans permettant de réduire les concentrations de dioxyde d’azote et de particules fines dans treize zones urbaines sous surveillance, afin de respecter la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008 sur la qualité de l’air. La haute juridiction constatait trois ans plus tard, par une décision du 10 juillet 2020 [3], que les valeurs limites de pollution restaient dépassées dans neuf zones, justifiant la fixation d’une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard dans l’exécution de la décision de juillet 2017.
Observant l’insuffisance des mesures prises pour permettre l’amélioration de la situation par rapport à 2019 dans cinq zones urbaines, le conseil d’Etat prononçait, dans une décision du 4 août 2021 [4], une première condamnation financière contre l’Etat à hauteur d’une astreinte de 10 millions d’euros au titre du premier semestre de l’année 2021.
Dans sa décision du 17 octobre dernier, les 6ème et 5ème chambres réunies du conseil d’Etat ont réévalué la situation pour le second semestre 2021 et le premier semestre 2022, au regard des nouveaux éléments fournis par le ministère de la transition écologique. Si le conseil d’Etat constate tout d’abord que la situation s’est globalement améliorée, il note qu’elle reste fragile ou mauvaise dans quatre zones. Par ailleurs, le conseil d’Etat retient que les mesures adoptées depuis l’intervention de la décision du 4 août 2021 précitée ne permettaient pas à ce jour de réduire les niveaux de concentration en dioxyde d’azote aux niveaux fixés par la règlementation en matière de pollution de l’air.
Le conseil d’Etat a dès lors ordonné la liquidation de deux nouvelles astreintes pour un montant total de 20 millions d’euros versées à l’association Les Amis de la Terre ainsi qu’à plusieurs organismes publics et associations engagés dans la lutte contre la pollution de l’air.
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Le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé est une liberté fondamentale au sens du référé-liberté.
Conseil d’État du 20 septembre 2022, n°451129
Dans une ordonnance du 20 septembre 2022, le juge des référés du conseil d’Etat retient l’invocabilité à l’appui d’un référé-liberté du droit à la protection de l’environnement consacré par l’article 1er de la charte de l’environnement.
Aux fins de prévenir ou de faire cesser les actions ou carences des autorités publiques portant une atteinte à l’environnement, le juge des référés pouvait d’ores et déjà être saisi en urgence sur le fondement des article L. 521-1 ou L. 521-3 du code de justice administrative (référé-suspension et référé mesures utiles) ou, sans condition d’urgence, sur le fondement des articles L. 122-2 et L. 123-6 du code de l’environnement.
La grande nouveauté consacrée par l’arrêt du conseil d’Etat est la reconnaissance d’une nouvelle liberté fondamentale au sens du référé-liberté : le juge des référés reconnaît dorénavant que « le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ».
Si le conseil d’Etat consacre une nouvelle liberté fondamentale invocable dans le cadre du référé-liberté, la haute juridiction encadre néanmoins les conditions de recevabilité d’un tel recours. La personne requérante doit justifier « au regard de sa situation personnelle, notamment si ses conditions ou son cadre de vie sont gravement et directement affectés, ou des intérêts qu’elle entend défendre, qu’il y est porté une atteinte grave et manifestement illégale du fait de l’action ou de la carence de l’autorité publique ». Il appartient alors au requérant de faire état « de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier, dans [un] très bref délai […], d’une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ».
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Pouvoir d’appréciation des nuisances causées par un projet d’éoliennes sur des espèces protégées.
Dans une décision rendue le 29 juillet 2022, le conseil d’État a jugé que, sous réserve de dénaturation, les juge du fond disposaient d’un pouvoir d’appréciation souverain de l’impact des nuisances d’un projet éolien sur la perturbation et la destruction d’espèces protégées. Ainsi, pour l’application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement [5], le juge de cassation laisse à l’appréciation souveraine des juges du fond le point de savoir si est satisfaite la condition tenant à ce que le projet ne nuise pas au maintien des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
[1] Conseil d’Etat, avis du 22 septembre 2022, n° 405732
[2] Conseil d’Etat du 12 juillet 2017, n° 394254
[3] Conseil d’Etat du 10 juillet 2020, n° 428409
[4] Conseil d’Etat du 4 août 2021, n° 428409
[5] L. 411-2 du code de l’environnement « 4° La délivrance de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : […] c) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement »