Compensation et connexitéPour rejeter une demande de compensation, un arrêt d’appel retient que la compensation judiciaire sollicitée par un preneur entre sa « créance indemnitaire » en réparation d’une violation par le bailleur de son obligation de délivrance, et la créance de loyer du bailleur « est facultative pour le juge et qu’il n’y a pas lieu de l’ordonner. » La Cour de cassation casse cet arrêt sur le fondement de l’article 1291 du Code civil au motif que « les dettes dont il était demandé la compensation judiciaire, nées de l’exécution du contrat de bail, étaient connexes, de sorte que leur compensation devait être ordonnée, la cour d’appel a violé le texte susvisé. ». En conséquence, la compensation s’impose au juge dès lors que la connexité des créances est établie. La Cour de cassation confirme ici sa jurisprudence aux termes de laquelle le pouvoir discrétionnaire d’appréciation du juge de prononcer une compensation est supprimé lorsqu’il existe une connexité entre la créance invoquée à titre principal et celle reconventionnellement opposée en compensation (Cass. 3ème civ., 30 mars 1989 : pourvoi n°87-12.470 ; Cass. com., 27 mars 1990 : pourvoi n°88-18.204). Cour de cassation, 3ème chambre civile du 7 janvier 2021 n° 19-20.898 |
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InterprétationPar arrêt du 6 juillet 2019, la Cour d’appel de Nîmes a jugé que « des propos, rapportés dans la presse, attribués au maire de la commune et portant sur la notion d’occupants du chef de [personnes expulsées] » rendaient « nécessaire l’interprétation » de la décision d’expulsion. La Cour de cassation a cassé cet arrêt au visa de l’article 461 du Code de procédure civile, en jugeant que « les termes du dispositif de [la décision] ordonnant l’expulsion [des occupants sans droit ni titre] et de tous occupants de leur chef n’étaient pas susceptibles de lectures divergentes et permettaient l’exécution de l’arrêt ». Par cet arrêt, la Cour de cassation précise que si l’interprétation d’une décision est possible lorsque son dispositif obscur en rend l’exécution incertaine, encore faut-il que l’ambiguïté soit intrinsèque à la décision interprétée et ne résulte pas de faits qui lui seraient étrangers, tels des propos rapportés dans la presse. Cour de cassation, 3ème chambre civile du 7 janvier 2021 n° 19-21.786 |
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Détermination du montant de l’indemnité d’occupationBénéficiaire d’une promesse de vente sur un terrain nu, Orange y a construit un local technique puis loué ce terrain à SFR qui y a installé ses équipements. A défaut de réalisation de la promesse, les propriétaires ont sollicité l’expulsion d’Orange, la remise en état des lieux et le paiement d’une indemnité d’occupation. Relevant que les juges du fond ont retenu que l’exploitation du terrain dépendait de l’activité spécifique d’Orange et SFR et que les propriétaires ne justifiaient pas qu’ils auraient pu jouir de leur fonds autrement que comme un terrain nu agricole, la Cour de cassation a jugé que la Cour d’appel a déduit de ces seuls motifs que « l’indemnité d’occupation, propre à compenser la perte de revenus subie par [les propriétaires] du fait de l’occupation de leur terrain devait être fixée à la valeur locative de celui-ci, dans l’état où Orange en avait pris possession, sans tenir compte des loyers qu’elle avait perçus du fait de la mise à disposition de SFR ». Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme qu’une indemnité d’occupation n’a pas à tenir compte des fruits dont a pu jouir l’occupant. Cour de cassation, 3ème chambre civile du 7 janvier 2021 n° 19-21.655 |
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Indemnisation du bailleurPar arrêt du 26 juin 2019, la Cour d’appel de Paris a cru pouvoir limiter des dommages et intérêts accordés au bailleur après avoir constaté qu’il avait immédiatement pu relouer les locaux sans procéder à leur remise en état. Sans surprise, la Cour de cassation casse cet arrêt en jugeant : « l’indemnisation du bailleur, à raison des dégradations qui affectent le bien loué et qui sont la conséquence de l’inexécution par le preneur de ses obligations, n’est subordonnée ni à l’exécution de réparations par le bailleur, ni à l’engagement effectif de dépenses, ni à la justification d’une perte de valeur locative ». Il est en effet de jurisprudence constante que le bailleur doit être indemnisé des dégradations et des pertes commises par le preneur même s’il ne remet pas les lieux en état, préférant les vendre à un tiers (Cass. 3ème civ., 30 janvier 2002 : pourvoi n°00-15.784) ; l’indemnité de remise en état n’étant pas conditionnée par l’exécution de travaux (Cass. 3ème civ., 25 janvier 2006 : pourvoi n°04-20.726). Cour de cassation, 3ème chambre civile du 7 janvier 2021 n° 19-23.269 |
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Réparation du dommagePar arrêt du 14 janvier 2021, la Cour de cassation rappelle que « l’auteur d’un dommage doit en réparer toutes les conséquences » et que « la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable ». Cet arrêt s’inscrit dans le courant jurisprudentiel constant de la Cour de cassation qui refuse l’obligation pour la victime d’un dommage de le minimiser (Cass. 1ère civ., 2 juillet 2014 : pourvoi n°13-17.599 ; Cass. 3ème civ., 10 juillet 2013 : pourvoi n°12-13.851), y compris en cas de dommage purement immatériel, tel la perte de jouissance d’un appartement qu’un propriétaire a été dans l’impossibilité de louer pendant la durée de travaux mis à la charge de la copropriété à la suite d’un incendie (Cass. 3ème civ., 5 février 2013 : pourvoi n°12-12.124). Cour de cassation, 3ème chambre civile du 14 janvier 2021 n° 16-11.055 |
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Effets de la réceptionA la suite de plusieurs arrêts rendus au visa de l’article 1792 du Code civil aux termes desquels la Cour de Cassation a jugé qu’en cas de vente après achèvement d’un ouvrage, le caractère apparent ou caché des désordres ne s’apprécie pas en la personne de l’acquéreur au jour de la vente, mais en la personne du vendeur au jour de l’achèvement des travaux (Cass. 3ème civ., 19 septembre 2019 : pourvoi n°18-19.918 ; Cass. 3ème civ., 18 avril 2019 : pourvoi n°18-14.337), la Haute Juridiction confirme sa position en précisant que : « le caractère apparent ou caché d’un désordre dont la réparation est sollicitée sur le fondement des articles 1646-1 et 1792 et suivants du code civil s’appréciant en la personne du maître de l’ouvrage et à la date de la réception, il importe peu que le vice de construction ait été apparent à la date de la prise de possession par l’acquéreur ». Cour de cassation, 3ème chambre civile du 14 janvier 2021 n° 19-21.130 |
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Délai de procédure prorogationUne Cour d’appel a cru pouvoir déclarer caduque la déclaration d’appel du 20 février 2018 d’un jugement d’expropriation car l’appelant a déposé ses conclusions le 22 mai 2018, soit au-delà du délai de 3 mois suivant la déclaration d’appel de l’article R.311-26 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Sans surprise, cassation de l’arrêt au visa des articles 642 du Code de procédure civile et L.3133-1 du Code du travail car en l’espèce, le 20 mai était un dimanche et le 21 mai le Lundi de Pentecôte, de sorte le délai de 3 mois susvisé devait être prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant ces jours chômé et férié et expirer le 22 mai 2018 à minuit. S’agissant de la prorogation des délais de procédure, rappelons que la Haute juridiction a affirmé de manière très nette que l’alinéa 2 de l’article 642 du Code de procédure civile « n’est que l’expression, en matière procédurale, d’une règle de portée générale applicable à tout délai, quand bien même il s’agirait d’un délai préfix » (Cass. 3ème civ., 18 février 2004 : pourvoi n°02-17.976). Cour de cassation, 3ème chambre civile du 21 janvier 2021 n° 19-24.799 |
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Sous-traitance et cautionnementL’article 14 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 impose à l’entrepreneur de garantir le paiement des sommes dues au titre du contrat de sous-traitance en déléguant le maître d’ouvrage pour payer directement son sous-traitant ou en remettant à ce dernier un cautionnement bancaire solidaire, à peine de nullité du contrat de sous-traitance. Ayant remis un tel cautionnement à son sous-traitant après conclusion du contrat mais avant tout commencement d’exécution des travaux, un entrepreneur a reproché à une Cour d’appel d’avoir annulé le contrat de sous-traitance. Son pourvoi est rejeté au motif que « l’entrepreneur principal doit fournir la caution avant la conclusion du [contrat de sous-traitance] et, si le commencement d’exécution des travaux lui est antérieur, avant celui-ci ». Rappelons qu’une régularisation tardive, telle la fourniture du cautionnement après l’envoi d’une mise en demeure du sous-traitant invoquant la nullité du contrat, est sans effet et ne peut pas couvrir ladite nullité (Cass. 3ème civ., 17 juillet 1996 : pourvoi n°94-15.035 ; 25 mai 2011 : pourvoi n°09-17.137). Cour de cassation, 3ème chambre civile du 21 janvier 2021, pourvoi n°19-22.219 |
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Union de syndicatsLa Cour de cassation juge qu’il résulte des articles 29 de la n°65-557 du 10 juillet 1965 et 63 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 que la propriété des éléments d’équipement communs gérés par une union de syndicats n’est pas nécessairement indivise entre ses membres mais peut « être répartie entre les copropriétaires des syndicats la composant ou entre les copropriétaires d’un seul syndicat, les autres en ayant l’usage ». Ajoutons qu’à l’heure actuelle, l’union de syndicats constitue une solution particulièrement opportune pour la création ou la gestion des équipements communs de copropriétés car plus facile à mettre en place qu’une association syndicale libre où la règle de l’unanimité s’impose toujours pour sa création ou son adhésion. Cour de cassation, 3ème chambre civile du 21 janvier 2021, pourvoi n°19-25.388 |
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Démolition et qualité à agirUne Cour d’appel a cru pouvoir déclarer irrecevable la demande d’une commune visant à démolir une construction non conforme à un permis de construire et un plan d’occupation des sols (POS) au motif que seule la compétence en matière de POS – transférée à un établissement public de coopération intercommunal par la commune avant son assignation – permet de déterminer la personne ayant qualité à agir. Cassation de l’arrêt pour violation de l’article L.480-14 du Code de l’urbanisme car « la commune a, concurremment avec l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de POS, qualité pour agir en démolition ou en mise en conformité » concernant des faits commis sur son territoire. Cet arrêt renforce l’efficacité des actions des collectivités locales pour le respect de leurs règles d’urbanisme après l’arrêt de la Haute Juridiction du 16 mai 2019 qui a jugé que l’action de la commune fondée sur l’article L.480-14 du Code de l’urbanisme est « autonome » et ne nécessite pas la preuve d’un préjudice causé par les constructions irrégulières (Cass. 3ème civ., 16 mai 2019 : pourvoi n° 17-31.757). Cour de cassation, 3ème chambre civile du 21 janvier 2021, pourvoi n°20-10.602 |
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Clause résolutoire et renouvellementAprès une ordonnance constatant l’acquisition d’une clause résolutoire mais en suspendant les effets, un bailleur a signifié à son preneur un commandement de payer visant la clause résolutoire puis un congé avec offre de renouvellement. Estimant que la renonciation du bailleur au bénéfice de l’ordonnance et de la clause résolutoire du commandement ne résultaient pas des pièces produites à l’instance, la Cour d’appel a accueilli la demande du preneur pour résilier le bail. Cassation de l’arrêt pour violation des articles 1103 du Code civil et L.145-41 du Code de commerce au motif qu’en délivrant au preneur un congé avec offre de renouvellement postérieurement à l’ordonnance et au commandement, le bailleur « avait renoncé sans équivoque à se prévaloir de la résolution du bail ». En sens contraire, la Cour de cassation avait jugé équivoque l’offre de renouvellement consentie par un bailleur au cours d’une procédure en acquisition de clause résolutoire pour casser l’arrêt ayant retenu la renonciation du bailleur au bénéfice de la clause résolutoire (Cass. 3ème civ., 5 juin 2002 : pourvoi n°00-21.577). Cour de cassation, 3ème chambre civile du 21 janvier 2021, pourvoi n°19-24.466 |
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Expropriation et emphytéoteDes emphytéotes ont assigné la commune qui les a expropriés sans versement d’une indemnité préalable, aux fins d’être indemnisés. La Cour d’appel rejette leur demande en relevant que la commune n’a pas commis de voie de fait et que l’ordonnance d’expropriation a éteint, par elle-même et à sa date, tout droit réel ou personnel existant sur les parcelles expropriées. Cassation de l’arrêt pour violation des articles 17 de la DDHC, 545 du Code civil et L.311-2 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique au motif que « même en l’absence de voie de fait, les emphytéotes, dont le droit était éteint par l’ordonnance d’expropriation, avaient droit à indemnisation ». Par cet arrêt, la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation confirme solennellement le droit à indemnité des emphytéotes qu’elle a affirmé le 28 janvier 2015 (pourvoi n°13-11.884). Cour de cassation, 3ème chambre civile du 28 janvier 2021, pourvoi n°19-21.089 |
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Acceptation taciteUne SCI a consenti une promesse de bail emphytéotique sur un terrain à des bénéficiaires qui, à leur tour, ont conclu un contrat de fourniture prévoyant la construction clé en mains de centrales de production d’électricité solaire sur ce terrain. Alors que la construction n’est pas achevée, la SCI propose aux bénéficiaires une convention d’occupation précaire (COP) puis les assigne en paiement d’une indemnité d’occupation et charges. Bien que les bénéficiaires de la promesse n’aient réglé à la SCI aucune des sommes prévues à la COP, la Cour d’appel a estimé qu’ils l’ont tacitement acceptée et les a condamnés à l’exécuter en relevant qu’ils occupaient effectivement le terrain plusieurs mois avant que la COP, dont ils n’ont pas contesté les termes, ne leur soit proposée. Cassation de l’arrêt au motif qu’une « acceptation tacite ne peut être caractérisée qu’en présence d’actes qui manifestent sans équivoque la volonté d’accepter et qui sont postérieurs à l’offre faite ». De même, l’acceptation tacite d’un loyer par un preneur ne peut résulter que « d’actes manifestant de manière non équivoque sa volonté » (Cass., 3ème civ. 1er février 2005 : pourvoi n°03-19.354). Cour de cassation, 3ème chambre civile du 28 janvier 2021, pourvoi n°19-22.857 |
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Prescription et action en responsabilitéAux termes d’un prêt notarié, un emprunteur s’est engagé à verser à une banque l’intégralité du prix de vente des lots de l’immeuble financé et un mandat a été donné au notaire pour procéder à ces versements. Dès le 15/12/2010, la banque ne peut ignorer que le prix de vente de 2 lots ne lui a pas été intégralement versé. Le 22/10/2012, l’emprunteur est mis en liquidation judiciaire alors que 5 lots restent à vendre. Le 22/12/2015, la banque assigne le notaire en paiement de la part non perçue sur la vente des 2 lots. Son action est jugée prescrite par la Cour d’appel au motif que dès le 15/12/2010, elle était en mesure d’appréhender le manquement du notaire. Jugeant que le « dommage consistait dans l’impossibilité pour la banque de recouvrer sa créance et ne pouvait être caractérisé [le 15/12/2010] dès lors que 5 lots restaient à vendre », la Haute Juridiction casse l’arrêt pour violation de l’article 2224 du Code civil dont il résulte classiquement que « la prescription d’une action en responsabilité court à compter de la manifestation du dommage et non de la commission de la faute ». Cour de cassation, 3ème chambre civile du 28 janvier 2021, pourvoi n°19-26.044 |
- Jérémy Goldblum
Veille jurisprudentielle – Immobilier – Février 2021
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