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21.05.2019Anne-Solène Hardouin, Jean-Philippe Minaud, Jérome Michel

Newsletter Droit public – Mai 2019

Commande publique

Profitant de ce cas d’espèce, le conseil d’État fixe le cadre du non-lieu à statuer doit être prononcé par le juge d’appel pour lorsqu’une demande de reprise des relations contractuelles a été formée mais que le contrat litigieux a expiré au moment de l’appel.

Ainsi, lorsque les relations contractuelles n’ont pas repris mais que le contrat a expiré avant ou pendant l’appel, le juge doit prononcer un non-lieu à statuer (et ce même lorsque le juge de première instance a ordonné la reprise des relations mais que le jugement n’a pas été exécuté).

C’est uniquement dans l’hypothèse où les relations contractuelles ont effectivement repris suite au jugement de première instance mais et que le contrat n’est pas encore échu que le juge d’appel devra se prononcer.

Cette décision est l’une des rares illustrations de la question de l’indemnisation en cas de résiliation judiciaire d’un contrat [1].

À cet égard, le conseil d’Etat rappelle que l’indemnisation du cocontractant doit s’effectuer en tenant compte des motifs de la décision d’annulation et des stipulations éventuelles du contrat.

Le conseil d’État précise ici l’indemnisation à laquelle un cocontractant peut prétendre en cas d’infirmation ou de cassation de la décision juridictionnelle de résiliation.

Seules deux hypothèses sont envisagées par le conseil d’Etat :

  • lorsque la personne publique décide de reprendre les relations contractuelles: pas d’indemnisation du cocontractant et ce dernier devra même, le cas échéant, restituer les sommes perçues pour la résiliation du contrat ; ou
  • lorsque la reprise des relations contractuelles n’est pas possible [2] : le cocontractant aura droit à réparation du préjudice subi (déduction faite, le cas échéant, des sommes déjà versées résultant de l’annulation du contrat initial).

[1] v. par exemple : CAA Marseille, 4 mai 2015, n° 12MA02725

[2] Parce qu’elle porte une atteinte excessive à l’intérêt général ou aux droits du titulaire du nouveau contrat intervenu pour pallier l’annulation du précédent.

Les services juridiques bénéficient d’une procédure allégée prévue aux articles R. 2123-1 4° et R. 2123‑8 du code de la commande publique.

Le respect de celle-ci est obligatoire et ce, indépendamment de la manière dont l’acheteur apprend l’existence d’une offre.

Ainsi, en cas de démarchage (candidature spontanée) d’un acheteur soumis à aux règles de la commande publique, ce dernier devra, en tout état de cause, respecter les dispositions du code de la commande publique et organiser une procédure allégée de mise en concurrence.

Le juge considère que des motifs d’intérêt général peuvent, en l’absence de disposition particulière, justifier qu’un pouvoir adjudicateur aménage les conditions de mise en œuvre des principes fondamentaux de la commande publique pour tenir compte « des particularités du service délégué ».

En l’espèce, le syndicat intercommunal à vocation multiple de la Côte Est (SIVM Est) de Nouvelle Calédonie a renouvelé la concession du réseau de transport et de distribution d’électricité au profit de la société Enercal sans procéder aux formalités de publicité et de mise en concurrence préalables.

Or, en principe, si cette collectivité est compétente pour fixer ses propres règles relatives à la commande publique, les principes fondamentaux de la commande publique doivent cependant être respectés [3]. Ainsi, une mise en concurrence minimale aurait dû être organisée.

Cependant, la cour estime, que « la structure particulière du réseau de distribution d’électricité sur le territoire des communes du SIVM rendrait techniquement complexe, et financièrement coûteuse, l’attribution de la gestion de ce réseau à tout autre délégataire que la société Enercal ». Dès lors, ce motif d’intérêt général justifie un aménagement des conditions de mise en œuvre des règles de la commande publique (notamment s’agissant de la mise en concurrence).

Il est possible de s’interroger sur le bien-fondé de cet arrêt qui semble retenir une interprétation extensive de la notion de motif d’intérêt général justifiant une dérogation aux grands principes de la commande publique.

[3] Article 22 17° de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

Pour le Conseil d’État, « le prix anormalement bas d’une offre s’apprécie […] au regard de son prix global ».

L’existence d’un prix qui semble anormalement bas sur l’une seulement des prestations du soumissionnaire n’entraîne donc pas nécessairement que son offre soit, dans sa totalité, considérée comme anormalement basse (et donc rejetée), y compris lorsque cette prestation fait l’objet d’un mode de rémunération différent ou d’une sous-pondération spécifique au sein du critère du prix.

Les vices entachant la procédure de passation d’une concession d’aménagement, dès lors qu’ils traduisent la volonté de la personne publique de favoriser un candidat par rapport aux autres, affectent gravement la légalité du choix du concessionnaire et justifient l’annulation du contrat quand bien même celui-ci aurait été totalement exécuté.

La cour administrative d’appel de Lyon a considéré que l’irrégularité d’une procédure de passation d’un marché public n’a pas affecté le consentement de la personne publique, et entraîne donc pas son annulation.

En l’espèce, l’un des candidats avait, postérieurement à la date de remise des offres, proposé la réduction du montant de son offre moyennant la mise à disposition, par l’acheteur, d’une plateforme de stockage. C’est sur la base du montant de cette nouvelle offre que le marché lui a été attribué.

Toutefois, d’une part, ni l’avis d’appel public à la concurrence, ni le règlement de la consultation ne prévoyaient la possibilité de recourir à la négociation, d’autre part, les autres soumissionnaires n’avaient pas été prévenus de cette négociation.

Cette irrégularité aurait pu conduire le juge administratif à annuler la procédure de passation. Toutefois, celui-ci a retenu que « cette irrégularité, dont il n’est pas établi qu’elle aurait affecté le consentement de la personne publique et qui n’affecte pas non plus le contenu même du contrat, ne justifie pas, en l’absence par ailleurs de toutes circonstances particulières révélant une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, que soit prononcée l’annulation ou la résiliation du marché».

Le raisonnement retenu ici par la cour administrative d’appel de Lyon peut surprendre dès lors que l’attributaire a été désigné non pas sur la base de son offre initiale mais sur la base d’une offre modifiée alors que les documents de la consultation ne permettaient pas aux candidats de modifier leur offre postérieurement à leur remise.

Rien ne s’oppose à ce que les stipulations fixent contractuellement les modalités d’indemnisation du cocontractant en prévoyant un montant inférieur à celui du préjudice subi en cas de résiliation pour motif d’intérêt général.

La cour administrative de Nantes fait une application stricte des règles d’indemnisation en cas de résiliation pour motif d’intérêt général en jugeant que, en l’absence de remise en cause du motif de résiliation, et sans qu’il soit utile de chercher d’autres causes d’irrégularité de cette décision, l’indemnité ne peut excéder ce qui est expressément prévu par les stipulations du contrat.

Le fait, pour l’acheteur, de ne pas utiliser la plateforme sécurisée et prévue à cet effet pour la remise des offres (et de demander un envoi par simple courriel) constitue une méconnaissance de son obligation d’assurer l’intégrité et la confidentialité des offres.

À cet égard, la cour de cassation considère qu’un tel manquement fait grief à tous les candidats dès lors qu’il « est susceptible d’avantager un concurrent ».

  • Sanction de la dénaturation par l’acheteur du mémoire technique du candidat évincé (TA Versailles, 15 févr. 2019, n° 1900632)

Le tribunal administratif de Versailles rappelle que, lorsqu’il est saisi d’un moyen en ce sens, le juge du référé précontractuel doit vérifier que le pouvoir adjudicateur n’a pas dénaturé le contenu de l’offre qui lui est soumise en en altérant manifestement les termes et, ainsi, procédé à la sélection de l’attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d’égalité de traitement des candidats, ce qui était le cas en l’espèce.

Dès lors, la société requérante, dont l’offre a été classée deuxième, est lésée dans ses intérêts de manière suffisamment directe et certaine par le manquement du pouvoir adjudicateur. Eu égard à la gravité de ce manquement, le tribunal retient qu’il y a lieu d’annuler la décision portant rejet de son offre.

 

Domanialité publique

Une AOT constitutive de droits réels ne peut avoir pour objet « l’exécution de travaux, la livraison de fournitures, la prestation de services, ou la gestion d’une mission de service public, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation », pour le compte ou pour les besoins de la collectivité (article L. 1311-5 du CGCT).

Il n’est donc pas possible d’utiliser une AOT ou un BEA pour contourner les règles de la commande publique.

L’ordonnance du 19 avril 2017 n’envisage la mise en concurrence préalable que pour les titres d’occupation temporaire sur le domaine public. S’agissant des titres d’occupation temporaire du domaine privé pour une exploitation économique, le ministre réaffirme toutefois les règles de la jurisprudence Promoimpressa selon laquelle la délivrance de titres – sans distinction entre le domaine public et le domaine privé – doit garantir dans les mêmes termes le respect des principes d’impartialité, de transparence et d’égalité de traitement des candidats.

Ainsi et à chaque fois qu’une activité économique, par nature concurrentielle, serait envisagée sur le domaine privé, les autorités gestionnaires de ce domaine doivent mettre en œuvre des procédures similaires à celles qui prévalent pour le domaine public, précisées par les articles L. 2122-1-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques issus de l’ordonnance du 19 avril 2017.

La cour administrative d’appel de Paris fait application d’une solution désormais constante en retenant la compétence de la juridiction administrative pour connaître du litige né de la résiliation de la sous‑concession consentie par un occupant du domaine public, par ailleurs concessionnaire de service public, à un sous-occupant.

Contentieux administratif

  • Précisions sur la jurisprudence Czabaj

Pour rappel, le conseil d’Etat [4], s’appuyant sur la sécurité juridique, a dégagé un principe selon lequel une décision expresse individuelle ne peut plus faire l’objet d’un recours au-delà d’un délai d’un an alors même :

  • qu’elle n’aurait pas été notifiée formellement à son destinataire (à condition qu’il soit établi que celui‑ci en ait eu connaissance autrement ou indirectement), ou
  • que la notification ne contenait pas les informations obligatoires relatives aux délais et voies de recours (seules, par principe, de nature à déclencher le délai de recours) [5].

Récemment, la haute juridiction administrative a apporté des précisions sur l’application de cette jurisprudence :

Le délai maximum d’un an pour introduire un recours s’applique non seulement à l’encontre des décisions expresses mais aussi, comme le précise le conseil d’Etat dans le cas d’espèce, aux décisions implicites nées du silence gardé par l’administration, à la condition que le destinataire ait eu connaissance de la décision.

La preuve de cette connaissance résulte notamment du fait que :

  • le destinataire a été clairement informé des conditions nécessaires à la naissance de la décision implicite, ou
  • l’existence de la décision a été mentionnée dans des échanges avec l’administration.

Le conseil d’État avait déjà étendu la jurisprudence Czabaj aux titres exécutoires [6] c’est-à-dire aux actes constatant un droit et permettant d’en exiger l’exécution forcée.

Dans la décision du 16 mars 2019, il vient préciser les modalités d’application de cette jurisprudence dans l’hypothèse d’un recours contre la lettre de rappel par laquelle le comptable indiquait au requérant qu’il restait redevable d’une somme en application du titre exécutoire.

En l’espèce, le recours contre un titre exécutoire introduit plus d’un an et demi après sa notification avait été considéré comme tardif [7].

Le requérant avait alors tenté de contester le bien-fondé de ce titre exécutoire par le biais d’un recours (introduit dans les délais) à l’encontre de la lettre de rappel.

Cependant, le conseil d’Etat considère que le titre exécutoire et la lettre de rappel sont des actes distincts ayant des objets différents, et qu’en conséquence, le recours contre la seconde ne saurait avoir pour effet de conserver le bénéfice du délai raisonnable imparti au requérant pour contester le premier. Il juge donc que le demandeur ne pouvait exercer de recours contre le titre exécutoire émis à son encontre au-delà du délai d’un an après sa notification.

[4] CE, ass., 13 juillet 2016, n° 387763, Czabaj

[5] Article R. 421-5 du code de justice administrative : « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ».   

[6] CE, 9 mars 2018, n° 401386, Communauté d’agglomération du pays ajaccien.

[7] Le recours a été considéré comme tardif, en application de la jurisprudence Czabaj, alors même que la notification du titre exécutoire, si elle contenait bien les mentions des délais de recours, n’indiquait pas la juridiction compétente.

Bien que le calendrier prévisionnel communiqué aux parties en application de l’article L. 611-11-1 du code de justice administrative puisse faire l’objet de modifications, méconnaît le principe du caractère contradictoire de la procédure le juge qui statue de façon anticipée par rapport à la date fixée comme échéance prévisionnelle de l’instruction, cette circonstance privant l’une des parties de son droit de réplique.

Lorsque le juge, saisi de conclusions tendant à la démolition d’un ouvrage public irrégulièrement implanté estime qu’une régularisation est possible, il lui appartient d’enjoindre à l’administration de réaliser toutes les démarches nécessaires en vue de cette régularisation, sauf à parvenir à une solution amiable ou à déplacer les ouvrages.

Ce n’est que dans un second temps que le juge examine s’il y a lieu d’enjoindre, à défaut de régularisation, de procéder à la démolition.

En l’espèce, en raison du caractère indispensable au service public des ouvrages en litige, et dans le cas d’un échec de la régularisation par la poursuite de la procédure d’expropriation, leur démolition porterait, malgré les inconvénients qu’ils présentent pour le propriétaire du terrain d’assiette, une atteinte excessive à l’intérêt général qui fait obstacle à leur démolition.

 

Pour plus d’informations, contactez le Pôle Droit public des affaires et activités régulées de Franklin :
Jérôme Michel – Avocat associé (jmichel@franklin-paris.com)

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