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06.11.2018Jean-Philippe Minaud, Jean-Pierre Delvigne, Jérome Michel

Newsletter Energie – Novembre 2018

Point réglementaire

Consultation relative au décret d’application de la loi ESSOC du 10 août 2018

La loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance (dite « Loi ESSOC ») a apporté un certain nombre de nouveautés relatives notamment à la simplification des règles applicables aux éoliennes en mer.

Le ministère de la transition écologique a ouvert à consultation publique le projet de décret précisant les conditions de l’application de l’article 38 de la loi n° 2018-727. En l’état, le projet de décret détermine :

  • les modalités du débat public auquel seront soumis les projets faisant l’objet d’une procédure de mise en concurrence ;
  • l’augmentation à 1 GW de la puissance pour lesquels les projets seront dispensés d’autorisation d’exploiter au titre du code de l’énergie lorsque lesdits projets auront fait l’objet d’une procédure de mise en concurrence ;
  • l’encadrement des procédures d’instruction et de délivrance des autorisations environnementales et des autorisations d’occupation du domaine public maritime couvertes par le « permis enveloppe » ; et
  • la modification de l’article R. 311-4 du code de justice administrative afin d’intégrer les autorisations nécessaires au développement de projets éoliens offshore, et notamment l’autorisation environnementale unique. Ces autorisations pourront ainsi bénéficier du régime mis en place par le décret n° 2016-9 du 8 janvier 2016 accélérer les contentieux portant sur les autorisations et décisions des projets d’énergie renouvelable en mer.

La consultation est ouverte jusqu’au 7 novembre 2018.

Arrêté du 12 octobre 2018 relatif au mécanisme de capacité (NOR : TRER1827869A)

Le mécanisme de capacité a été introduit afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement du système électrique français. Ce mécanisme oblige les fournisseurs à pouvoir justifier de garanties suffisantes pour approvisionner leurs clients, et ce même en période de pointe.

Saisie par RTE le 3 octobre 2018 pour avis, la commission de régulation de l’énergie avait souhaité l’évolution du mécanisme de capacité afin notamment (i) de permettre la participation des capacités étrangères au mécanisme français dès 2019 et (ii) de créer un dispositif spécifique pour les nouvelles capacités leur permettant de bénéficier de revenus sur 7 ans afin d’augmenter la visibilité concernant les nouveaux investissements et facilitant l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché dès 2019.

La mise en place de ces réformes nécessitant l’intervention d’un décret, l’arrêté du 12 octobre 2018 est intervenu pour décaler les dates d’ouverture des échanges sur le marché de capacité pour les années de livraison 2020 à 2023 à une date qui sera fixée postérieurement à l’adoption dudit décret.

Si la portée de l’arrêté du 12 octobre 2018 est limitée, son adoption présage de l’entrée en vigueur prochaine des évolutions souhaitées par la commission de régulation de l’énergie qui permettront aux acteurs de bénéficier d’un cadre juridique stabilisé à l’ouverture des périodes d’échanges des capacités.

Raccordement éolien (CAA Douai, 4 octobre 2018, n° 16DA01704)

Dans un arrêt Association Thiérache à contrevent du 4 octobre 2018, la cour administrative d’appel de Douai a apporté d’importantes précisions concernant l’articulation entre étude d’impact réalisée à l’occasion d’un projet éolien et le raccordement des éoliennes aux postes sources.

Récemment, de nombreux opposants éoliens se sont mis à invoquer l’insuffisance de l’étude d’impact au regard des dispositions du 2° de l’article R. 512-8 du code de l’environnement dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 1er mars 2017, dès lors qu’elle ne comportait pas de description précise des mesures réductrices et compensatoires relatives au raccordement des machines.

Dans son arrêt Association Thiérache à contrevent, la cour porte un coup d’arrêt important à cette pratique en précisant que « le raccordement de l’électricité produite par les éoliennes aux postes sources ne correspond pas au « transport des produits fabriques » visé à l’article R. 512-8 du code de l’environnement cité au point précédent. L’étude d’impact n’avait donc pas à comprendre la description précise des mesures réductrices et compensatoires relatives à cet aspect du projet ».

La cour va même plus loin en ajoutant que l’étude d’impact contestée satisfaisait aux exigences de l’article R. 512-8 du code de l’environnement, dès lors qu’elle précisait que le raccordement au réseau électrique serait réalisé sous forme de réseau enterré en accord avec la politique nationale d’enfouissement des réseaux et que son cheminement emprunterait essentiellement celui du réseau routier.

Cet arrêt est à saluer du fait qu’au stade de l’étude d’impact, le tracé du raccordement n’est pas encore définitivement arrêté (il le sera plus tardivement par Enedis) et exiger un degré de précision trop important quant aux mesures compensatoires du raccordement à ce stade ferait peser sur les développeurs une obligation impossible à satisfaire.

Compétence en matière de refus de rattachement d’une centrale photovoltaïque au périmètre d’équilibre d’EDF (CE, 12 octobre 2018, n° 419505)

Le 7 novembre 2017, la société T2S sollicitait le rattachement d’une centrale photovoltaïque au périmètre d’équilibre d’EDF afin de garantir le bénéfice de l’obligation d’achat dans les conditions prévues par l’arrêté du 12 janvier 2010. EDF a refusé de faire droit à la demande de rattachement de la société pétitionnaire en précisant que la signature des contrats d’achat aux conditions de l’arrêté du 12 janvier 2010 avait été gelée.

La société T2S a saisi le tribunal administratif de Nancy statuant en référé afin d’obtenir l’annulation du refus opposé par EDF. Par une ordonnance du 16 mars 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Saisi d’un pourvoi, le conseil d’Etat identifie l’existence d’une difficulté sérieuse quant à la détermination de la juridiction compétente afin de trancher de la contestation d’une décision de refus de rattachement au périmètre d’équilibre d’EDF.

Le conseil d’Etat fait donc application du pouvoir conféré par l’article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 en renvoyant au tribunal des conflits le soin de déterminer la juridiction compétente pour trancher ce litige.

Urbanisme

Sur l’intérêt à agir (CAA de Nantes, 12 octobre 2018, n° 18NT01168)

Il s’agit d’une nouvelle illustration de l’appréciation faite par le juge administratif de la recevabilité d’une demande formée à l’encontre d’un projet éolien.

Dans cette affaire, le requérant entendait faire constater la péremption du permis de construire délivré par le préfet de l’Orne en alléguant, pour justifier sa recevabilité à agir, le fait que les aérogénérateurs étaient visibles de sa propriété.

Sa requête a cependant été déclarée manifestement irrecevable au motif qu’il ne justifiait pas d’un intérêt suffisant lui donnant qualité pour agir au regard des exigences de l’article L.600-1-2 du code de l’urbanisme.

Le reproche a notamment été fait au requérant de ne pas fournir d’éléments permettant d’apprécier le bien-fondé des nuisances dont il faisait état (nuisances liées au chantier et nuisances sonores en phase d’exploitation) alors que le projet était situé à plus d’un kilomètre de sa propriété.

Sur l’atteinte au caractère avoisinant (CE, 23 juillet 2018, n°18NT01807)

Par cet arrêt, le conseil d’Etat a estimé que le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en accordant un permis de construire un parc éolien implanté dans une zone agricole qui ne présentait pas un intérêt particulier et dont le paysage naturel comportait déjà un certain nombre de fermes éoliennes.

Sur l’appréciation du règlement d’urbanisme local (CAA de Marseille, 23 octobre 2018)

Par cet arrêt du 23 octobre 2018, la cour rappelle le principe selon lequel il appartient au juge administratif, lorsqu’il est saisi d’une question tenant à l’application des dispositions du règlement d’urbanisme local à un projet, d’interpréter ces dispositions en vue de déterminer l’intention des auteurs du PLU.

En l’espèce, le préfet avait refusé de délivrer un permis de construire en vue de l’implantation de 6 éoliennes et d’un poste de livraison sur des parcelles situées en ZONE NC. Pour justifier sa décision, validée par la cour, il avait fait valoir qu’en créant un secteur dédié NCv1 dans lequel les éoliennes seraient autorisées, les auteurs du PLU avaient, préalablement à cette création, nécessairement exclu l’autorisation d’implanter des éoliennes au sein de la zone NC.

Démantèlement des éoliennes et la remise en état du site (CAA de Nancy, 4 octobre 2018, n° 17NC01857)

A l’occasion d’un recours contre un arrêté par lequel le préfet de la Haute-Saône a autorisé l’exploitation d’un parc éolien, la cour administrative d’appel de Nancy a précisé que les dispositions de l’article R.515-106 du code de l’environnement régissant les modalités de démantèlement des installations et de remise en état du site ne sont applicables que lors de la mise à l’arrêt définitif des éoliennes.

Aussi la méconnaissance de ces dispositions ne peut-elle pas être utilement invoquée à l’encontre d’une décision autorisant l’exploitation de telles installations si les modalités de remise en état décrites dans l’étude d’impact ne sont pas en ligne avec la réglementation susvisée.