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23.05.2019Anne-Solène Hardouin, Jean-Philippe Minaud, Jean-Pierre Delvigne, Jérome Michel

Newsletter Energie et Urbanisme – Mai 2019

Energie

La loi ESSOC [1] modifie l’article L. 342-2 du code de l’énergie en ouvrant la possibilité pour les producteurs ou les consommateurs de faire réaliser les travaux de raccordement.

Le décret n° 2019-97 du 13 février 2019 précise les conditions de cette délégation de maîtrise d’ouvrage en créant notamment un nouvel article D. 342-2-2 du code de l’énergie. Cet article précise que le contrat entre le maître d’ouvrage et le demandeur du raccordement prend la forme d’un mandat.

Or, dans son avis sur le projet de décret [2], la CRE recommandait de supprimer la référence au contrat de mandat dès lors qu’une telle qualification n’était pas imposée par les dispositions législatives et que le contrat entre le gestionnaire de réseaux et le producteur ou consommateur dérogeait à plusieurs titres aux caractéristiques du contrat de mandat.

La version définitive du décret a cependant conservé cette dénomination, ce qui présente un risque quant à la qualification de ce contrat et notamment en termes de partage des responsabilités entre le gestionnaire de réseau et le maître d’ouvrage délégué.

En effet, l’article L. 342-2 du code de l’énergie prévoit expressément que les travaux sont effectués sous la responsabilité du mandataire (producteur ou consommateur). Une telle précision semble difficilement compatible avec le principe du mandat aux termes duquel c’est le mandant qui engage sa responsabilité en cas de faute du mandataire dans l’exécution du mandat.

Même si le décret tente de limite les écueils éventuels en précisant qu’il s’agit d’un contrat de mandat « sous réserve des particularités prévues par la présente section », cette rédaction ne permet cependant pas de lever tout risque quant au partage de responsabilité entre le gestionnaire de réseau et le maître d’ouvrage délégué en cas de travaux de raccordement défectueux.

[1] Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance.

[2] Délibération de la CRE du du 24 janvier 2019 portant avis sur le projet de décret d’application de l’article L. 342-2 du code de l’énergie relatif à la maîtrise d’ouvrage déléguée des ouvrages de raccordement.

Environnement

Le conseil d’État apporte, dans cet arrêt, des précisions bienvenues sur la mise en œuvre de l’évaluation environnementale.

La Haute juridiction souligne dans un premier temps que les objectifs définis par les directives du 27 juin 2001 (2001/42/CE) et du 13 décembre 2011 (2011/92/CE) ne prévoient la mise en place d’une procédure de participation du public que lorsque le projet, plan ou programme en question est défini de manière suffisamment détaillée pour permettre une information efficace du public.

En droit interne, cette obligation est transposée par les dispositions du code de l’environnement relatives à l’enquête publique qui précisent que la procédure de participation du public doit intervenir après le dépôt de la demande d’autorisation des projets ou après l’élaboration du projet de plan ou programme en question. Ce n’est en effet qu’à partir de ce moment que le projet, plan ou programme est suffisamment défini pour faire l’objet d’une évaluation environnementale ou d’un rapport sur les incidences environnementales conformes aux exigences de ces directives.

En revanche, les objectifs fixés par les directives 2001/42/CE et 2011/92/CE ne s’appliquent pas à la concertation préalable régie par le code de l’environnement puisque cette concertation est organisée avant le dépôt de la demande d’autorisation d’un projet ou pendant la phase d’élaboration d’un projet de plan ou d’un programme.

Logiquement, le moyen tiré de la méconnaissance par les dispositions relatives à la concertation préalable des objectifs des directives susvisées est inopérant.

Dans un second temps, le conseil d’État rappelle, conformément à l’interprétation donnée par la Cour de justice de l’Union européenne, que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage peut en même temps être chargée de la consultation en matière environnementale, sous réserve qu’une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité.

Or, la Haute juridiction constate que le décret attaqué a maintenu cette double compétence au profit du préfet de région (article R. 122-6 du code l’environnement) et n’a pas prévu de dispositif permettant de garantir que la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité interne disposant d’une autonomie réelle à son égard.

En conséquence, les dispositions du décret modifiant l’article R. 122-6 précité sont annulées.

 

Urbanisme

Les articles L. 600-5, L. 600-5-1 et L. 600-5-2 du code de l’urbanisme déterminent les pouvoirs du juge concernant la possible régularisation d’un permis de construire dont une partie seulement du projet serait irrégulière.

Le conseil d’Etat précise ici l’office du juge d’appel et du juge de cassation dans ces hypothèses :

  • Pourvoi contre une décision annulant sur plusieurs motifs une autorisation d’urbanisme: le juge de cassation, s’il censure une partie des motifs, ne peut rejeter le pourvoi qu’après avoir examiné les autres motifs et s’ils justifient le rejet.
  • Permis de construire modificatif de régularisation intervenu avant la décision d’appel: le juge doit quand même statuer sur le permis de construire initial :
    • S’il estime qu’aucun des moyens du jugement n’était fondé, il doit l’annuler.
    • S’il estime qu’au moins un des moyens est fondé mais que les vices affectant le permis initial ne sont pas régularisables, il doit annuler le jugement.
    • S’il estime qu’au moins un des moyens est fondé et que les vices affectant le permis initial sont régularisables : il doit prendre en compte le permis de construire modificatif intervenu depuis et vérifier s’il permet bien de régulariser le permis de construire initial et n’est affecté lui-même qu’aucun vice.
  • Décret n° 2019-303 du 10 avril 2019 pour l’application de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme

  • Depuis le 1er janvier 2019, l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme permet la régularisation, en cours d’instance, d’une autorisation d’urbanisme illégale. Cet article précise, par ailleurs, que la mesure de régularisation ne peut faire l’objet d’une contestation dans le cadre du recours déjà engagé [3].
    Par ailleurs, l’article R. 600-1 du même code est relatif à l’obligation de notification d’un recours en matière d’urbanisme.
    Le décret du 10 avril 2019 précise donc l’articulation entre ces deux articles et prévoit que l’obligation de notification prévue à l’article R. 600-1 n’est pas applicable à la contestation d’une décision modificative ou d’une mesure de régularisation.
  • Le mécanisme de la cristallisation des moyens est étendu aux décisions modificatives et aux mesures de régularisation [4]. Ce procédé interdit aux parties d’invoquer de nouveaux moyens, à l’encontre des décisions d’occupation et d’utilisation des sols, après un délai de deux mois à compter de la communication du premier mémoire en défense.

[3] Si la mesure de régularisation veut être contestée, elle devra l’être dans le cadre d’un recours contentieux à part.

[4] Article R. 600-5 du code de l’urbanisme.

Pour plus d’informations, contactez le Pôle Energie de Franklin :
Jérôme Michel – Avocat associé (jmichel@franklin-paris.com)

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